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L’insomnie

Le meilleur moyen de s’endormir est de s’imaginer qu’il est l’heure de se lever.
Groucho Marx

Les étudiantes et étudiants universitaires, en raison de leur rythme de vie et des nombreuses exigences qui en font partie, peuvent être amenés à vivre des difficultés de sommeil. Il est normal d’éprouver des difficultés de sommeil occasionnellement ou lorsque des changements ou des situations difficiles surviennent dans votre vie. Cependant, si vos difficultés de sommeil persistent, vous êtes peut-être enlisé dans le cercle vicieux de l’insomnie.

Comment fonctionne le sommeil?

Le cycle du sommeil

Le sommeil est essentiel pour permettre à l’organisme de récupérer, tant sur le plan physique que mental. Il suit un patron cyclique bien organisé. Il existe 2 types de sommeil: le sommeil lent, lui-même réparti en 4 stades, et le sommeil paradoxal, aussi appelé sommeil REM («rapid eye movement»), en raison des mouvements oculaires caractéristiques de cette phase.

Le stade 1 du sommeil correspond à la phase d’endormissement et constitue une proportion d’environ 5% de la nuit. Après l’endormissement, l’individu atteint le stade 2 (50% de la nuit). Il s’agit d’un sommeil assez léger, où règne encore une certaine activité mentale. Les stades 3 et 4 correspondent à des stades profonds (5 à 20 % de la nuit). Pendant ces stades, le corps est immobile et l’activité mentale est faible. Il s’agit des stades les plus récupérateurs sur le plan de l’énergie physique. Le sommeil paradoxal correspond à la période où l’individu rêve (25% de la nuit). Il jouerait un rôle déterminant dans le traitement de l’information (ex.: consolidation des apprentissages, résolution de problèmes) et la régulation émotionnelle. 

Faites-vous de l’insomnie?

La durée d’endormissement et la fréquence des éveils nocturnes est variable d’un individu à l’autre, mais les critères suivants sont habituellement utilisés pour diagnostiquer l’insomnie:

  • difficulté d’endormissement
  • éveils fréquents ou prolongés durant la nuit
  • fréquence de plus de 3 nuits par semaine, persistant pendant plus de 3 mois
  • identification de conséquences nuisibles (difficultés à fonctionner, baisse de concentration, irritabilité, fatigue)

Une impression de sommeil léger ou non réparateur peut aussi être un indicateur, de même que des éveils matinaux (insomnie terminale).

Combien de temps devez-vous dormir?

Les besoins de sommeil varient beaucoup d’un individu à l’autre (entre 5 et 10 heures, la moyenne se situant autour de 7 ou 8 heures) et peuvent même varier selon les périodes de votre vie. Le meilleur indicateur de vos besoins de sommeil consiste à évaluer la quantité nécessaire pour bien fonctionner pendant la journée et ce, peu importe le nombre d’heures dormies.

Vous ne dormez pas, pourquoi?

Le stress est la cause la plus couramment associée à l’insomnie, puisqu’il crée un état d’activation (physiologique, émotif et cognitif) qui est incompatible avec le sommeil. Si vous avez de la difficulté à gérer votre stress, vous pouvez consulter le texte Bien vivre le stress. Toutefois, plusieurs autres facteurs (médicaux, psychologiques, comportementaux, habitudes de vie) influencent le sommeil. 

La peur de ne pas dormir: un cercle vicieux

Le point de départ des difficultés de sommeil est souvent une situation stressante (conflit, examens, rupture amoureuse), qui augmente l’état d’activation présent au moment du coucher. Votre état au coucher est intimement relié à votre bien-être et au déroulement de votre journée.

Toutefois, afin de mieux composer avec la perte du sommeil, certaines personnes adoptent des habitudes qui, bien que bénéfiques à court terme, peuvent amplifier les difficultés de sommeil (ex.: passer plus de temps au lit). Après plusieurs nuits de mauvais sommeil, une association négative se développe entre le moment du coucher et l’insomnie. Les inquiétudes peuvent alors faire augmenter l’activation déjà présente: «Comment vais-je faire pour me concentrer dans mes cours demain? Il faut que je dorme!». Plus la personne se met de la pression pour dormir, plus elle s’active et atteint un état incompatible avec le sommeil.

10 bonnes habitudes pour favoriser le sommeil

Pour retrouver un sommeil satisfaisant, il importe d’adopter de bonnes habitudes de sommeil. Appliquées dans leur ensemble et de façon constante, et pour une durée suffisamment longue (au moins 4 semaines), ces stratégies sont très efficaces et ont fait l’objet de plusieurs études.

1. Prévoyez au moins 1 heure avant le coucher pour décompresser

Cette période ne devrait pas être surchargée par des activités (physiques ou intellectuelles) trop intenses, afin de permettre une transition avec le niveau de stimulation de la journée. Cette précaution permet aussi à l’état de somnolence de se faire ressentir, le sommeil étant un processus graduel. Évitez donc l’étude, la résolution de problèmes, les discussions trop émotives… et l’exposition aux écrans!

2. Allez au lit si et seulement si vous ressentez de la somnolence

Il importe de distinguer la fatigue (sentiment subjectif d’épuisement n’entraînant pas nécessairement l’envie de dormir) de la somnolence (tendance à s’endormir, caractérisée par le picotement des yeux, les bâillements, les paupières lourdes). Une plus grande somnolence favorise un endormissement rapide, ce qui permet d’éviter de passer trop de temps au lit alerte avant l’endormissement (et ainsi, planifier votre journée du lendemain, vous inquiéter, etc.). Si vous traversez une période d’insomnie, retardez davantage votre heure de coucher.

3. Si vous ne pouvez pas vous endormir en l’espace de 30 minutes environ, sortez de votre lit

Quittez votre chambre à coucher et faites une activité qui favorise la détente pour vous (ex.: lecture d’une revue, écouter de la musique, méditer). Évitez l’étude, les jeux vidéo, le ménage… ou le piège de dormir sur le divan. Retournez au lit lorsque l’état de somnolence se fera à nouveau sentir. Si des soucis vous préoccupent, mettez-les par écrit. Rester alerte au lit et essayer de dormir contribue uniquement à augmenter votre frustration et crée de l’anxiété de performance. Essayez de prévoir un autre moment durant la journée pour la résolution de problèmes.

4. Ayez une heure de lever assez régulière

Idéalement, adoptez un horaire qui soit le plus constant possible, la semaine et les fins de semaine. Ajustez le moins possible votre heure de lever en fonction du nombre d’heures dormies: à la longue, cela a pour effet de dérégler votre horloge biologique. Des problèmes de rythmes circadiens (synchronisation veille-sommeil) sont d’ailleurs souvent présents chez les étudiantes et étudiants universitaires, en raison de l’irrégularité de leurs patrons de sommeil (étude la nuit, sorties, etc.). Trop récupérer la fin de semaine peut occasionner un type d’insomnie bien connu: l’insomnie du dimanche soir. Enfin, essayez de ne pas vous exposer aux écrans dès votre réveil.  Prévoyez plutôt une activité agréable et motivante pour vous aider à sortir du lit.

5. Réservez votre lit et votre chambre à coucher uniquement pour le sommeil (et les activités intimes)

Le respect de ce conseil permet de construire une forte association entre le lit, votre chambre à coucher et le sommeil. Idéalement, votre lieu d’étude devrait être situé hors de votre chambre. Sinon, tentez de vous aménager un coin de travail bien distinct de votre lit (surtout, ne pas étudier, lire, utiliser votre cellulaire ou votre ordinateur portable dans votre lit), que ce soit le jour ou le soir.

6. Ajustez le nombre d’heures passées dans votre lit, le plus possible, au nombre d’heures dormies

Passer une quantité de temps excessive au lit entraîne une fragmentation du sommeil, un sommeil moins réparateur et augmente le risque de faire de l’insomnie. De plus, passer trop de temps au lit vous fera souvent sentir plus amorphe. La période de sommeil devrait être restreinte sur une plage horaire limitée, afin d’en favoriser une bonne continuité (si vous estimez dormir 7 heures par nuit, tentez de ne pas passer beaucoup plus de 7 heures au lit).

7. Ne faites pas de sieste durant la journée

Bien qu’une sieste puisse être bénéfique pour récupérer, elle contribue à diminuer l’état de somnolence au coucher et la quantité de sommeil profond la nuit suivante. En cas de besoin, tentez de limiter votre sieste à une durée maximale de 1 heure, et ce, avant 14h, car les siestes prises en fin de journée sont constituées de sommeil plus profond et nuisent davantage au sommeil nocturne.

8. Adoptez une bonne hygiène de vie

Plusieurs facteurs peuvent affecter la qualité du sommeil, dont la prise de stimulants (ex.: caféine, nicotine). Ceux-ci devraient être évités 4 à 6 heures avant le coucher et lors des éveils la nuit. Contrairement à la croyance populaire, l’alcool est nuisible pour le sommeil. Consommer de l’alcool avant le coucher vous aidera peut-être à vous endormir, cependant, l’élimination graduelle de l’alcool occasionne des réveils fréquents et un sommeil plus léger plus tard dans la nuit. Enfin, ne surchargez pas votre estomac avant le coucher. Limitez aussi la quantité de liquide prise en soirée. La pratique régulière de l’exercice physique aide à approfondir le sommeil, surtout si celui-ci est effectué vers la fin de l’après-midi.

9. Dormez dans un environnement confortable

Tout comme un environnement d’étude adéquat favorise la concentration, la chambre à coucher doit être propice au sommeil. La température de la chambre devrait être tempérée. Minimisez le bruit et la lumière. Il peut être utile d’avoir recours à de la musique, à un ventilateur ou à des bouchons pour camoufler les bruits de fond.

10. Limitez l’utilisation de somnifères

Les somnifères sont efficaces à court terme, mais perdent progressivement leur efficacité lors d’une utilisation continue. En cas de besoin, une utilisation occasionnelle permet de mieux conserver leur efficacité. Les somnifères peuvent être utiles dans le cas d’une insomnie sévère et aiguë, associée à une période de crise ou de problèmes de santé. La plupart des médicaments prescrits pour favoriser le sommeil doivent être utilisés avec précaution, car ils peuvent aussi créer de la somnolence le jour (effet résiduel), modifier les cycles du sommeil et occasionner des phénomènes de tolérance ou de dépendance. Les produits disponibles sans ordonnance, bien qu’ils fassent l’objet d’une grande publicité, ont peu d’impact sur le sommeil, hormis un effet placebo attribuable à la confiance en la substance prise.

Mythes à propos du sommeil et de l’insomnie

Les croyances entretenues à l’égard de l’insomnie et du sommeil peuvent aussi contribuer au maintien des difficultés de sommeil. Elles alimentent l’état d’activation au coucher en créant des émotions négatives (anxiété, frustration).

Le sommeil avant minuit est le plus récupérateur

Le sommeil profond est concentré dans le 1er tiers de la nuit (donc souvent avant minuit, si vous allez au lit vers 22h30, par exemple), mais celui-ci sera présent dans la première phase de la nuit, peu importe l’heure à laquelle vous vous couchez. Il n’est ainsi pas justifié de penser «manquer» la meilleure portion de la nuit.

«Le lendemain d’une mauvaise nuit de sommeil, je ne peux pas fonctionner!»

La fatigue et la somnolence sont les principales conséquences de l’insomnie. Il nous est toutes et tous déjà arrivé de ne pas nous sentir tout à fait en forme le lendemain d’une bonne nuit de sommeil et, à l’inverse, d’être plutôt énergique le lendemain d’une courte nuit. Les conséquences d’une mauvaise nuit de sommeil ne sont pas toujours ressenties avec la même intensité le lendemain. Il est généralement exagéré de penser que vous ne pourrez pas fonctionner. L’insomnie affecte principalement la motivation et l’humeur, mais les études démontrent qu’elle affecte peu la performance (elle affecterait plutôt l’évaluation de celle-ci). Par contre, si vous êtes convaincu de ne rien pouvoir accomplir, il est certain que votre journée sera moins productive. Il faut faire attention de ne pas attribuer tout ce qui va mal dans la journée à l’insomnie! D’autres facteurs peuvent aussi souvent expliquer une certaine difficulté à fonctionner (ex.: stress, alimentation).

Le sommeil peut être contrôlé

Le sommeil ne se contrôle pas. C’est un état qui échappe à notre pleine volonté, un peu comme la concentration lors d’un effort intellectuel. C’est pourquoi il importe de rechercher des conditions permettant de le favoriser. Il est toujours plus facile de combattre la somnolence que de dormir sur commande! Essayer de contrôler votre sommeil est certainement la pire erreur à faire.

L’insomnie est héréditaire

Bien que certains facteurs de vulnérabilité puissent être présents (ex.: plus grande réactivité au stress), l’insomnie est un problème multifactoriel pouvant rarement être réduit à une seule cause biologique. Attribuer l’insomnie à l’hérédité ou à la génétique vous amène à vous sentir impuissant face aux difficultés de sommeil.

L’insomnie peut nuire à ma santé

Il ne faut pas confondre les effets d’une privation totale de sommeil avec une privation partielle. D’ailleurs, la majorité des personnes ayant des difficultés de sommeil dorment au moins quelques heures par nuit et ne font pas d’insomnie toutes les nuits. Bien que le sommeil soit un élément important de l’équilibre physique et psychologique, personne ne meurt d’un manque de sommeil. En fait, la détresse reliée à l’insomnie est ce qui est le plus nuisible pour la santé. De plus, il semble que trop dormir serait aussi nuisible que de dormir insuffisamment.

8 heures est le standard de sommeil pour être en forme

Il existe de nombreuses différences individuelles dans les besoins de sommeil. Par conséquent, il n’y a aucun standard de sommeil à atteindre et se fixer un standard précis engendre une pression inutile. Vous comparer aux autres sur cet aspect peut aussi créer des attentes de sommeil irréalistes pour vous.

«Je dois à tout prix récupérer tout le sommeil perdu»

Le sommeil se récupère de manière graduelle sur plusieurs nuits. Les études sur la privation de sommeil démontrent que les gens ont besoin de récupérer uniquement le tiers du sommeil perdu. De plus, suite à une nuit blanche, le sommeil de la nuit suivante se réorganisera naturellement pour combler les besoins de sommeil profond dont vous avez été privé. Il est à noter que ce qui caractérise principalement le sommeil des insomniaques n’est pas la privation de sommeil, mais le fait de dormir de façon interrompue et irrégulière d’une nuit à l’autre.

Que faire le lendemain d’une mauvaise nuit de sommeil?

  1. Réorganisez les tâches en tenant compte des variations de votre état de vigilance au cours de la journée. Par exemple, faites vos lectures le matin plutôt qu’après la période du dîner, et alternez les tâches exigeantes et les tâches plus motivantes. Simplifiez vos activités en les divisant en étapes. Si nécessaire, reportez certaines tâches qui demandent concentration et énergie et exécutez plutôt des tâches plus machinales (ex.: faire des commissions, du classement).
  2. Si vous vous sentez somnolent durant le jour, combattez cet état, qui n’est souvent que passager, en augmentant votre niveau de stimulation (ex.: allez marcher, augmentez l’éclairage, adoptez une position active pour travailler, appelez quelqu’un). Accordez-vous de courtes pauses fréquemment.
  3. Essayez d’identifier ce qui a pu occasionner cette mauvaise nuit et tentez de vivre votre journée comme si vous aviez eu suffisamment de sommeil.
  4. N’annulez pas vos activités (ex.: loisirs) prévues pour le lendemain, ce qui augmenterait l’accent mis sur votre insomnie et ses effets sur votre qualité de vie. Essayez de développer une certaine tolérance aux effets transitoires de l’insomnie plutôt que de laisser le sommeil dicter votre vie.
  5. Priorisez et adoptez une attitude réaliste quant à votre fonctionnement. Il n’est pas possible d’être toujours efficace à 100%. Il est normal d’avoir de moins bonnes journées et il est important d’apprendre à vous satisfaire d’un rendement de moins bonne qualité de temps à autre, quel qu’en soit la cause.

Références

Livre: Morin, C. M. (2009). Vaincre les ennemis du sommeil. Montréal, Éditions de l’Homme.

Site Web: https://dormezladessuscanada.ca/

Rédigé par: Véronique Mimeault, psychologue

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