Aller au contenu principal
Portes ouvertes
Station SME
Balado en consultation
M’équiper pour réussir
Vidéos – Nos outils et nos conseils en vidéos

L’étape de la rédaction aux cycles supérieurs: surmonter le phénomène de la page blanche

Le contexte de la rédaction

La rédaction d’un essai, d’un mémoire ou d’une thèse représente souvent un projet d’écriture d’une envergure sans précédent et peut s’avérer être une tâche intimidante. Vos limites et vos craintes les mieux enfouies peuvent refaire surface. Le contexte de rédaction implique généralement la capacité de planifier vos objectifs au quotidien et de stimuler votre motivation par vous-même. Afin de bien compléter cette étape, il importe de bien comprendre ce qui peut entraver le processus d’écriture. Vous pouvez aussi consulter le texte Obstacles à la rédaction aux cycles supérieurs en complément.

Qu’est-ce que le phénomène de la page blanche?

Le phénomène de la page blanche représente la difficulté à organiser, planifier et initier la tâche de rédaction, alors que les étapes préalables (recherche, lecture, connaissance du sujet, etc.) ont été complétées ou passablement avancées. Il se manifeste par un blocage, un inconfort, pouvant être composé de plusieurs états émotifs: anxiété, fatigue, sentiment d’impuissance, culpabilité, impression de piétiner et sentiment d’incompétence. Pour composer avec ces sentiments désagréables, la personne pourra avoir tendance à se tourner vers d’autres tâches, qu’elle se sent plus à même de réaliser.

Les freins à la productivité

Le phénomène de la page blanche est rarement dû à une seule cause. Bien qu’il puisse se produire chez des étudiantes et étudiants ayant déjà eu ce type de difficultés, il peut aussi se manifester pour la première fois lors des études supérieures. Voici plusieurs aspects susceptibles d’affecter la productivité à l’étape de rédaction. Une première étape pour améliorer l’efficacité est d’identifier les sources possibles des difficultés d’écriture.

1. La peur de l’échec

«Je n’y arriverai jamais… Je n’ai pas les capacités, je suis stupide!…»

La peur de l’échec peut déclencher une anxiété diffuse, un sentiment d’incompétence ou d’infériorité. Ce sont souvent les conséquences de l’échec qui sont anticipées (ex.: impacts sur l’estime de soi, la carrière, le jugement de l’entourage). L’échec est souvent perçu de façon très globale: la performance devient l’étalon de mesure de votre valeur personnelle.

2. Le syndrome de l’imposteur

«Je sais au fond que je n’ai pas ce qu’il faut… tôt ou tard, on réalisera que je manque d’intelligence…»

Le syndrome de l’imposteur est une variante de la peur de l’échec et se rapporte au sentiment de ne pas mériter ses réussites, de croire que celles-ci sont attribuables à des facteurs extérieurs (ex.: hasard, opportunité), plutôt qu’à ses propres habiletés ou qualités. La personne craint alors que ses lacunes soient exposées au grand jour. Par exemple, une étudiante ou un étudiant pourra douter de son potentiel à réaliser des études supérieures et appréhender qu’en rédigeant son mémoire, il sera démasqué par sa direction.

3. Le perfectionnisme et les exigences élevées

«Je dois produire quelque chose de supérieur à ce qui se fait habituellement… Je dois rédiger 10 pages par jour et je ne prendrai pas plus qu’une journée de congé par semaine…»

Une personne perfectionniste se fixe des standards très élevés, voire irréalistes, qui génèrent de l’anxiété. La pression pour atteindre ces standards peut l’amener à s’imposer des règles rigides ou à attendre d’être dans des dispositions idéales pour accomplir un travail parfait. En complément à ce texte, vous pouvez lire: Le perfectionnisme: quand le mieux devient l’ennemi du bien.

4. L’autocensure

«Ma direction ne trouvera pas ça bon… Ce n’est pas assez bon, mieux vaut recommencer…»

L’autocensure est une forme d’intériorisation des critiques, provenant généralement des figures d’autorité (ex.: parents, corps professoral).  Elle amène à se censurer et à rejeter d’emblée les idées qui viennent en tête. Certaines personnes auront de la difficulté à écrire une seule phrase ou remettront en question le choix de chaque mot.

5. La procrastination

«L’inpsiration me manque, je vais faire telle chose avant de commencer… Il me reste encore du temps…»

La procrastination est la difficulté à se mettre à la tâche, à se discipliner. Elle se manifeste par une impulsion irrésistible de fuir le travail à accomplir, en le remettant à plus tard. Elle peut découler des attitudes décrites précédemment, mais aussi être reliée à d’autres facteurs. Elle implique, entre autres, une difficulté de gestion du temps et d’organisation. La fuite procure un soulagement temporaire mais avec le retard qui s’accumule, la pression pour rattraper le temps perdu s’amplifie. Bien qu’il puisse avoir plusieurs sources, dans tous les cas, ce blocage permet d’éviter de se confronter à l’échec, à la critique. Vous pouvez aussi consulter à ce sujet le texte La procrastination et la formation interactive.

6. Les mythes reliés à l’écriture

«Bien écrire est un talent inné… Ça prend un vocabulaire recherché pour produire un bon texte… Un texte long est meilleur qu’un court.» 

L’écriture est une habileté qui s’apprend et se développe par la pratique régulière. La communication des résultats d’un travail scientifique est une compétence importante à développer aux études supérieures. Posséder un vocabulaire recherché peut être un atout, mais l’utilisation d’un vocabulaire simple et précis permet aussi de véhiculer clairement ses idées. Enfin, même si le nombre de pages peut à première vue laisser l’impression que le travail a nécessité plus d’effort et d’investissement, un texte court et concis peut avoir davantage d’impact qu’un texte long, sinueux et redondant.

Des stratégies pour rédiger de façon plus productive

Il est utopique d’envisager rédiger un mémoire ou une thèse en quelques jours ou semaines, comme cela pouvait être le cas pour les travaux écrits réalisés dans le cadre de vos cours. La tâche est trop considérable pour être approchée de cette façon. Le phénomène de la page blanche peut se produire lorsque la personne étudiante a lu abondamment sur un sujet, sans prendre de notes, ce qui peut alors entraîner un sentiment d’éparpillement et de la difficulté à sélectionner l’information pertinente et trouver le filon de départ. Ainsi, n’attendez pas trop avant d’amorcer la rédaction, alternez plutôt les phases de lectures et de rédaction. Voici des stratégies permettant de favoriser une meilleure efficacité.

1. Établissez un horaire de travail structuré

Bloquez des périodes consacrées à la rédaction dans votre agenda. Visez la régularité dans la rédaction, peu importe que vous sentiez l’inspiration ou non. La continuité dans la tâche d’écriture est importante puisqu’elle permet de conserver vos idées actives dans votre esprit et de diminuer le degré d’anticipation et d’anxiété. Cela vous évite d’osciller entre des périodes de surproductivité (pouvant conduire à l’épuisement) et à l’inverse, des périodes d’aversion pour l’écriture. Si la rédaction ne doit pas occuper toute la place, votre travail ne doit idéalement pas non plus être laissé de côté pendant de longues semaines. Le texte Les défis de la gestion du temps aux cycles supérieurs pourrait vous être utile.

Il peut être indiqué de commencer votre journée par l’écriture. Plutôt que d’attendre la disposition idéale pour écrire, placez-vous dans des conditions favorables (ex.: endroit adéquat, où le risque d’interruption est limité). Préparez votre esprit au travail intellectuel, en vous laissant une période de réchauffement.

2. Fixez-vous des objectifs spécifiques et atteignables

Privilégiez des périodes d’une durée de 2-3 heures pour la rédaction, et complétez votre journée avec d’autres tâches. Cette approche est souvent plus productive à long terme. Si vous sentez un blocage, la première chose à faire est de diminuer vos objectifs d’écriture. Avec le temps, le sentiment de devoir «vous rattraper» vous a probablement fait faire l’inverse, et cela a généralement pour effet d’augmenter la pression et de perpétuer le blocage. Fixez-vous au départ des objectifs de rédaction très petits et faciles (ex.: 15 minutes), une partie bien spécifique à la fois: faites attention de ne pas trop vous en demander, vous devez vous désensibiliser graduellement. Revoyez les objectifs fixés si ceux-ci ne sont que rarement atteints.

3. La méthode par brouillons successifs

Cette méthode consiste à noter ce qui vous vient à l’esprit sans vous préoccuper de la pertinence de vos idées et de la cohérence de votre texte. Écrire favorise la production des idées, ce qui favorise l’écriture, qui entraîne alors l’émergence d’autres idées… Même si les idées générées semblent confuses, elles deviendront de plus en plus claires en écrivant. La tendance à relire et à réécrire sans cesse les mêmes paragraphes est non productive.

Lorsque vous débutez l’écriture, ayez en tête que vous rédigez d’abord pour vous-même, afin de résumer ce que vous savez et les informations obtenues suite à vos lectures et vos recherches. Écrivez plus que moins, sans critiquer votre travail à ce stade, jusqu’à ce que vous ayez atteint votre objectif d’écriture pour cette journée. Par la suite, vous verrez à ce que vos idées soient mieux consolidées et bien présentées, et à ce que votre public puisse bien vous comprendre. Vous pourrez soigner l’orthographe et la syntaxe au moment opportun.

Voici, à titre d’exemple, les étapes qui pourraient être suivies en utilisant cette méthode:

  • générez librement les idées principales, tout ce qui vous vient à l’esprit pour une section de votre plan
  • triez et organisez les points selon une structure
  • formulez les idées en phrases complètes
  • améliorez les transitions entre les idées et les paragraphes
  • relisez ce que vous avez écrit
  • apportez des modifications et corrections
  • révisez et améliorez vos versions subséquentes (jusqu’à votre version finale)

Le plus difficile est de commencer. À mesure que vous progresserez, le sentiment de vous rapprocher de votre objectif vous stimulera.

4. Portez attention à votre discours interne

L’écriture est une tâche complexe. Elle offre peu de renforcement immédiat. Les pensées qui vous habitent avant, pendant et après vos périodes de rédaction ont un impact sur votre motivation et votre efficacité. Essayez d’entretenir un discours encourageant face à vos efforts, parlez-vous comme si vous supervisiez l’athlète en vous, derrière qui vous seriez pour un soutien précieux dans l’atteinte de son objectif. Assurez-vous de vous offrir des récompenses pour ce qui a été accompli plutôt que des punitions pour les objectifs non atteints. Les loisirs ou activités qui vous font plaisir sont une bonne manière de vous récompenser afin de maintenir une attitude constructive face à la tâche et soutenir votre motivation.

Pour une meilleure compréhension du lien entre votre mode de pensée et vos états émotifs, lisez le texte Stress, anxiété et perceptions: maîtriser les pensées toxiques.

5. Recherchez les exceptions

Observez-vous et posez-vous ces questions: quels sont les moments où le blocage ne se manifeste pas? Où êtes-vous naturellement plus efficace? Identifiez ce qui fonctionne pour vous et comment vous avez procédé lors de ces moments. Tentez de reproduire les conditions dans lesquelles vous avez le sentiment d’avoir avancé et ressenti de la satisfaction face à votre travail.

6. Essayez quelque chose de différent

Si les solutions tentées jusqu’à présent s’avèrent peu efficaces, essayez quelque chose de différent de ce que vous avez l’habitude de faire. Changez d’environnement (ex.: travailler dans un café, à la bibliothèque, un bureau à l’université…). Écrivez à la main si vous avez l’habitude d’écrire à l’ordinateur, enregistrez vos idées verbalement à l’aide d’un dictaphone. Changez l’ordre dans lequel vous rédigez vos sections (ex.: commencer par une section plus facile ou plus courte). Participez à une retraite de rédaction; l’organisme Thèsez-vous propose des environnements physiques et humains s’adressant aux étudiantes et étudiants des cycles supérieurs.

Ces conseils sont insuffisants pour remédier à la situation?

Votre motivation ou des remises en question peuvent être en cause dans votre difficulté à progresser. Considérez la possibilité de discuter avec votre direction de votre projet, de vos préoccupations ainsi que de votre cheminement. Votre projet d’essai, de mémoire ou de thèse était-il vraiment votre choix? Sur quelle base avez-vous décidé d’entreprendre des études supérieures? Entretenez-vous des doutes ou de l’ambivalence à l’égard de ce choix? Quels enjeux y sont rattachés? Avez-vous des craintes face à l’idée de terminer votre projet (ex.: peur de «l’après», du marché du travail). Vous accorder une pause afin de prendre un peu de recul pourrait vous permettre de mieux comprendre ce que vous vivez.

Consultez une conseillère ou un conseiller d’orientation si vous ressentez le besoin de faire le point sur vos objectifs professionnels. Il est également possible que des difficultés personnelles accaparent votre esprit et affectent votre fonctionnement. N’hésitez pas à demander de l’aide psychologique pour clarifier votre situation.


Références

  • Bégin, C. (1999), Mieux vivre sa période de rédaction. Étudier à l’UQAM, vol. 6, no 2 (février).
  • Belleville, G.  (2014). Assieds-toi et écris ta thèse. Trucs pratiques et motivationnels pour la rédaction scientifique. Presses de l’Université Laval.
  • Bolker, J. (1998). Writing your dissertation in fifteen minutes a day, a guide to starting, revising and finishing your doctoral thesis. New York: H. Holt, Owl Books.
  • Talbot, F. (2003). Les défis du contexte de rédaction. Vies-à-vies. Bulletin du Service d’orientation et de consultation psychologique, Université de Montréal, vol. 15, no 3 (janvier).

Rédigé par: Véronique Mimeault, psychologue

Haut